La valeur en dollars de marché additionnel qui serait générée par l’égalité des sexes dans l’économie globale (McKinsey 2015). De plus, le Conseil mondial des affaires pour le développement durable déclarait en 2018 que le fait d’avoir des femmes en position de leadership est essentiel pour atteindre les Objectifs de Développement Durable de l’ONU. Il ressort que la gestion de l’environnement et l’inclusion sociale font partie des compétences clés du leadership féminin. Pour le mois de mars, nous avons décidé d’interroger des femmes leaders dans le monde du développement durable. Dans cet entretien, Sandra Gallego Salva, la directrice de Ethic Magazine, nous raconte son parcours et ses idées sur le genre et le leadership.

Sandra, tu es la cofondatrice d’une revue connue en Espagne qui place la durabilité, la démocratie et la pensée critique au centre du changement. Tu es une femme à la tête d’un changement de paradigme. Dis-nous en plus sur qui est Sandra Gallego Salva et quelle est ta North Star pour 2021.

Sandra:

Ma trajectoire est le reflet de mes inquiétudes. Je suis né à Barcelone, j’ai vécu une grande partie de ma vie en Suisse où j’ai étudié la philosophie puis la publicité et le marketing pour ensuite utiliser ces compétences dans un projet qui existe encore aujourd’hui, l’association konsept of Charity (kofC). Je suis revenu en Espagne en 2007, quand tout semblait se dissiper par les grilles d’égout mais cette mise en danger m’a permis de faire sortir le meilleur de moi-même ! De là, j’ai développé un esprit “survivaliste” d’entrepreneure indépendante et avec l’envie de faire bouger les choses.

Quant à ma North Star pour cette année de sables mouvants : moins d’individualisme et plus d’esprit collectif (pour une meilleure santé mentale). Je ne suis pas tant inquiète de l’impact de la pandémie que du nombrilisme généralisé, la saturation de stimulis de toutes sortes, la perte de focus, etc.

Sandra - NooS

"Si c’est pour faire juste un nouveau média et contribuer à une culture endogamique, je préfère encore vendre du vernis à ongle au téléphone"

Qu’est-ce qui t’a motivé à créer Ethic Magazine ? Comment a commencé ton changement vers la durabilité ?

S: Le développement durable est une expression qui n’existait pas dans mon vocabulaire il y a 15 ans. C’était quelque chose que j’avais en moi avant cela, comme du bon sens. Ce qui m’a frappé en m’installant en Espagne (en plus de la richesse culturelle du pays), c’était le manque de sensibilisation, de civisme ou appelons-le manque d’éducation. Je n’allais pas m’inventer professeure du jour au lendemain mais je pouvais mettre mon expérience en communication au service d’un nouveau canal de communication. Mon associé, Pablo, dirigeait déjà un magazine du même secteur et quand je lui ai dit : “Si c’est pour faire juste un nouveau média et contribuer à une culture endogamique, je préfère encore vendre du vernis à ongle au téléphone”, nous nous sommes jetés dans le grand vide. Nous voulions un support attractif tant sur le fond que sur la forme. Nous voulions ouvrir un débat auquel chacun puisse participer.

Quels défis as-tu rencontrés tout au long de ta carrière en tant que femme leader dans le secteur du développement durable ?

S: La vérité, c’est que pas beaucoup plus que mon associé. Peut-être qu’au moment de signer des contrats ou de négocier, nos interlocuteurs se dirigeaient plutôt vers mon associé. Mais de manière générale, à nos débuts, nous avons surtout reçu des réactions de scepticisme … Ensuite, lorsque nous avons su montrer de la constance et de la consistance, tout a été beaucoup plus simple.

"La capacité des femmes à assumer des rôles de leadership est quelque chose d’accepté par tous en théorie mais qui ne l’est toujours pas en pratique."

Aux débuts d’Ethic, tu as écrit un article sur les inégalités de genre dans les entreprises espagnoles. À cette époque, seuls 10% des postes de directeurs étaient occupés par des femmes. Selon toi, comment ont évolué ces inégalités de genre dans les dernières années ?

S: Les choses ont évolué, et dans le bon sens sans aucun doute bien qu’il reste du chemin à parcourir. Les femmes représentent 45% des employés dans les entreprises espagnoles, ce qui montre bien que les choses ont changé à toute vitesse ces dernières années. Mais il faut dire que plus l’on gravite les échelons hiérarchiques, plus ces chiffres baissent. La capacité des femmes à assumer des rôles de leadership est quelque chose d’accepté par tous en théorie mais qui ne l’est toujours pas en pratique (et je le dis en nous incluant nous aussi les femmes, qui sommes les reines de l’auto-sabotage). On n’efface pas des siècles d’inégalités en 2 décennies mais nous sommes témoins que la transition est en cours, ce qui bénéficiera à nos filles. Je suis et resterai optimiste !

À travers ton travail, tu es constamment en contact avec des entreprises mettant en place des stratégies RSE. Comment vois-tu le panorama de la RSE en Espagne, en Europe ? Y a-t-il plus de femmes avec des responsabilités dans la RSE ?

S:

Pour que tu te fasses une idée, le panorama est passé de la toundra à la taïga. Mais il est vrai que les actions dans ce secteur se multiplient. Même si l’Espagne n’a pas mené ce changement de conscience, elle a su être une bonne suiveuse pour se diriger vers les Objectifs de Développement Durable de l’ONU.

Ce que je peux t’assurer, c’est qu’il y a 10 ans, j’avais rendez-vous avec des équipes de communication et/ou de marketing et que maintenant, dans la majorité des cas, mon interlocuteur (qui se trouve très souvent être une femme, question de sensibilité ?) est quelqu’un du département de RSE.



Un rapport de la Commission pour le Développement Durable assure que le fait de garantir l’égalité des sexes au travail et de promouvoir le leadership féminin est clé pour générer de la croissance économique et pour atteindre les Objectifs de Développement Durable de l’ONU. Qu’en penses-tu ? Pourquoi penses-tu que le leadership féminin est crucial pour la transition écologique ?

S: Naturellement, je suis en faveur de cette théorie et je suis heureuse qu’en plus des louanges de “pacifistes” et “sensibles” que nous recevons, nous ayons désormais comme avantage d’être “rentables” puisque cela semble légitimer nos actions ah ah !

"Aie confiance en ton instinct, écoute et ne regarde pas en arrière."

Quel conseil donnerais-tu à une jeune femme qui essaye d’être une leader de changement pour un monde meilleure ?

S: Aie confiance en ton instinct, écoute et ne regarde pas en arrière.

Un vœu en particulier pour 2021 ? Pour toi ? Pour le monde ?

S: De l’harmonie, de l’amour, de la connexion entre les personnes. Ça fait très hippie mais je crois profondément en la beauté de l’être humain et en à sa capacité à communier avec les autres spécimens de son espèce, bien que nous soyons assez paralysés pour l’instant. Je crois que nous commençons tout juste à apprendre, par la manière forte.

Website: http://ethic.es/ 

Photography Credit – Cover: Markus Winkler on Unsplash