Le nombre d’années depuis que la loi PACTE a été promulguée

Le 22 mai dernier, la loi PACTE sur la responsabilité sociétale des entreprises en France fêtait ses 2 ans. L’occasion de revenir sur les enseignements pouvant être tirés de ce texte alors que la crise de la Covid ou la récente éviction d’Emmanuel Faber du groupe Danone semble avoir remis en cause ses principes.

Qu'est-ce que la loi PACTE ?

La loi PACTE, ou Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises, avait comme objectif lors de son lancement en 2019 d’établir un nouveau cadre juridique pour les entreprises, en introduisant la notion “d’entreprise à mission” dans le droit français. En permettant l’intégration d’enjeux sociaux et environnementaux dans les statuts de l’entreprise, cette loi permet de consacrer l’idée selon laquelle une entreprise n’a pas pour unique objectif de répondre à l’intérêt des actionnaires mais doit aussi poursuivre le bien commun.

Le texte législatif repose sur trois piliers. D’abord, la notion de société a été nouvellement définie afin de préserver “les intérêts de long terme” ce qui impose aux gérants des entreprises de considérer les enjeux sociétaux et environnementaux. Ensuite, la loi PACTE offre la possibilité d’intégrer une “raison d’être” dans ses statuts. La raison d’être peut se définir comme un guide pouvant expliquer les activités, moyens ou principes employés par l’entreprise. Des entreprises telles que EDF, Orange ou Carrefour l’ont déjà adoptée. Enfin, les entreprises les plus volontaires ont la possibilité d’adopter la qualité d’entreprise à mission. Cela implique qu’elles doivent changer leurs statuts pour y inclure leur raison d’être, des objectifs sociaux et environnementaux ainsi que les modalités du suivi de l’exécution de mission.

Le bilan 2 ans plus tard

La loi PACTE a reçu un accueil plutôt positif. D’abord, les dirigeants considèrent que cette démarche répond au besoin grandissant de sens. Les actionnaires et les investisseurs semblent eux aussi avoir particulièrement soutenu la formulation d’une raison d’être. C’est une manière de donner du sens à “l’investissement dans l’entreprise” et lui permet de s’adapter au cadre légal de plus en plus basé sur des critères extra-financiers.

Le rapport de la fondation Jean Jaurès souligne que le processus d’élaboration et de validation est perçu comme vertueux, à travers sa capacité à instaurer un dialogue qui peut intégrer les parties prenantes, tels que les salariés, pour qui la raison d’être est source de sens et d’engagement dans le projet collectif de l’entreprise, les clients et les administrateurs pouvant être associés au dispositif de consultation et d’élaboration.

Cependant, malgré cet accueil globalement positif, la réalité pratique démontre que les résultats de la loi PACTE restent fragiles. La raison d’être a convaincu environ 200 entreprises telles que Danone, Michelin ou Nature&Découvertes tandis que la qualité d’entreprise à mission semble avoir eu moins de succès. Ceci s’explique notamment par un processus de mise en place plus contraignant. Néanmoins, un nombre important de pionniers montrent aujourd’hui la voie, avec une croissance du nombre d’entreprises à mission, passées de 29 en août 2020, à 88 en décembre 2020 pour arriver à plus d’une centaine actuellement.

Quelles perspectives pour la loi PACTE face à ses différents défis ?

La crise de la covid et l’éviction d’Emmanuel Faber, ont entraîné de nombreuses réflexions et débats, à la faveur des détracteurs de la loi PACTE, pour lesquels le court-termisme du capitalisme reste prioritaire sur les ambitions sociales et environnementales. Le départ d’Emmanuel Faber illustrerait l’incompatibilité des objectifs environnementaux et économiques.

Contre toute attente, l’enquête annuelle Global CEO Outlook 2020′ du cabinet KPMG, démontre à l’inverse que les dirigeants sont d’autant plus attentifs à la raison d’être et à la mission de l’entreprise suite à la crise de la Covid. En effet, 80% des dirigeants français déclarent s’être davantage retrouvés dans la raison d’être de leur entreprise depuis le début de la crise.

Cette crise du Coronavirus est donc un moment charnière pour l’engagement sociétal des entreprises, étant donné les batailles internes qui auront lieu pour faire valoir la légitimité de la RSE et la mise en place de modes de productions et de gouvernance responsables.

Ainsi, la philosophie de Milton Friedman, établissant que « la seule raison d’être d’une entreprise est de générer des profits pour ses actionnaires », semble révolue malgré la crise de la Covid. Celle-ci aura certes secoué les certitudes de certains en matière de priorisations, mais aura également raffermi les convictions d’autres. Cette crise est une opportunité pour les entreprises de montrer que s’investir sur le long-terme permet d’être plus résilient et développe de meilleures capacités d’anticipation.

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