Pour certains, les vacances sont synonymes de détente. Pour d’autres, il s’agit de voyager. Et pour d’autres encore, il s’agit de voyager… tout en venant en aide aux plus démunis. Le volontourisme est une forme de tourisme par laquelle des étrangers se rendent généralement dans des pays en voie de développement pour aider des communautés vulnérables.

L’idée sous-jacente est que du temps libre et des bonnes intentions peuvent en faire beaucoup. Mais les bonnes intentions peuvent souvent faire plus de mal que de bien. Le volontourisme est une pratique très critiquée dans les secteurs de l’humanitaire et du développement. Pourquoi ? Quels sont les risques du volontourisme ?

Vous ne devriez jamais avoir à payer pour faire du bénévolat

Devoir payer alors qu’on offre son temps et ses compétences. C’est absurde, non ? Pourtant, c’est l’un des premiers résultats que vous obtiendrez si vous tapez «bénévolat à l’étranger» sur votre navigateur. Certaines agences de bénévolat facturent des frais exorbitants et exploitent les bonnes intentions des bénévoles. Ces frais finissent-ils par profiter à la communauté locale ? C’est souvent loin d’être clair. 

 Sous la bannière «Faites la différence», ces agences de «volontourisme» semblent avant tout vouloir vendre des expériences exotiques aux bénévoles, plutôt que de considérer leur véritable impact au moment de soutenir des populations vulnérables. Cette capitalisation de l’aide et la souffrance a même conduit à des cas d’exploitation de communautés locales. Par exemple, au Cambodge, des enfants ont été «loués» à des parents cambodgiens pour remplir les orphelinats et attirer les volontouristes. Le bénévolat doit toujours rester fidèle à son objectif humanitaire fondamental: des personnes qui aident d’autres personnes. Il ne se doit pas de devenir un business au service des bénévoles. 

Une main d'oeuvre non-qualifiée n'est pas durable

Souvent, les bénévoles ne disposent pas des compétences nécessaires pour le travail qu’ils sont censés effectuer sur le terrain. Lors de la construction d’une maison ou d’un puits, si le bénévole ne possède pas les compétences requises, son travail risque d’être de mauvaise qualité. 

En Europe, il existe de nombreuses réglementations. Vous n’êtes pas un bâtisseur qualifié? Vous ne pouvez pas construire. Pas de qualification pour enseigner? Vous ne pouvez pas enseigner. Pourquoi en serait-il autrement dans le pays d’accueil ? Le volontaire acquerra sûrement de nouvelles compétences personnelles, mais cela peut coûter à la communauté locale plus de temps, d’argent et d’énergie que le bénévole n’en a dépensé.  

Le volontourisme perturbe l'économie locale

Le travail confié aux bénévoles pourrait-il être effectué par des travailleurs locaux ? La réponse est probablement oui. Mais pourquoi payer de la main d’œuvre quand les bénévoles sont prêts à travailler gratuitement et à payer pour travailler ?

Les bénévoles effectuent souvent des travaux que les locaux pourraient faire. Cela perturbe le marché du travail local en laissant des travailleurs qualifiés sans emploi. En outre, cela favorise des relations de dépendance dans la mesure où les communautés locales commencent à dépendre des performances des bénévoles plutôt que de renforcer leur propre résilience. Si les bénévoles font tout le travail sans impliquer la communauté locale, que se passe-t-il lorsque les bénévoles finissent par partir ?

Il n'y a pas d'engagement à long terme

Les vacances des bénévoles ne durent généralement que de quelques jours à quelques semaines. Il peut être difficile d’appréhender la complexité du problème en si peu de temps et de faire réellement la différence. Lorsqu’on réfléchit à la durée d’une expérience de bénévolat, il convient d’évaluer soigneusement la capacité à avoir un impact. 

Cette rotation de bénévoles peut également être préjudiciable aux bénéficiaires sur le plan émotionnel. Lorsqu’on est bénévole, il est naturel de vouloir établir des relations avec les personnes avec lesquelles on travaille. Mais dans quelques semaines, le bénévole partira probablement. Est-il juste de vouloir créer des liens forts puis de partir (surtout lorsqu’il s’agit d’enfants) ? Bien que cela aille à l’encontre des instincts naturels, imposer des limites personnelles est beaucoup plus durable à long terme. Le bien-être émotionnel de ceux qui restent après le départ des bénévoles devrait être la priorité. 

Le volontourisme met en péril le principe de «ne pas nuire»

Travailler avec des personnes vulnérables exige un ensemble de normes strictes pour respecter le principe fondamental de l’humanitaire: ne pas nuire. Ne pas nuire ou «do no harm» signifie éviter d’exposer les populations affectées à des risques supplémentaires de par son intervention. 

Ce principe implique généralement la vérification des antécédents des bénévoles, des sessions de formation préalables au terrain et des codes de conduite stricts afin de garantir que la sécurité et la dignité des populations affectées soient au cœur de l’intervention. Lorsque le bénévolat est un business, ce principe peut souvent passer à la trappe, laissant ainsi des bénévoles sans supervision et sans recul sur comment leurs actions pourraient nuire aux communautés locales qu’ils espèrent soutenir. 

Le volontourisme perpétue souvent un complexe de « sauveur blanc »

L’un des principaux arguments contre le volontourisme est qu’il sert principalement à présenter les bénévoles comme les sauveurs «développés» des «pauvres» des pays en voie de développement. Il renforce l’idée que les communautés d’accueil ne sont pas des concitoyens dotés de pouvoir d’action et de droits, mais des victimes pures et passives qui ont besoin d’une aide extérieure pour «se développer»

 Enraciné dans le colonialisme, ce complexe du sauveur blanc fait des bénévoles les héros de l’histoire plutôt que les communautés affectées. Illustré par de nombreux blogs, posts Facebook et même les «Humanitarians of Tinder», il devient évident qu’aider les autres ou le «selfie humanitarianism» relève plus d’un projet  pour le développement de soi-même que d’un impact réel pour les communautés affectées. 

De plus, en réduisant les solutions aux problèmes des communautés affectées à l’intervention extérieure de bénévoles étrangers, les responsabilités des autorités politiques et des systèmes locaux et internationaux dans la création et le maintien de ces situations de précarité restent incontestées. Cela dépolitise les situations des communautés affectées et maintient le statu quo en permettant la perpétuation d’inégalités structurelles. 

Choisissez et engagez-vous de manière responsable

Le bénévolat n’est pas condamné. Au contraire, le bénévolat responsable est la voie à suivre. Espérons qu’exposer les risques du volontourisme puisse conduire à du bénévolat qui réponde avant tout aux besoins des communautés concernées et non des bénévoles. Voici donc quelques questions à se poser lorsqu’on cherche à s’engager en tant que bénévole à l’étranger. 

  • Devrais-je payer pour faire du bénévolat ? *
  • L’organisation est-elle transparente sur la manière dont les fonds sont alloués ?
  • M’a-t-on demandé de partager mon casier judiciaire, proposé une formation ou informé des codes de conduite sur le terrain ?
  • Ai-je assez de temps à donner pour vraiment faire la différence ?
  • Le projet est-il vraiment nécessaire pour la communauté ?
  • Mon travail pourrait-il être effectué par un local ?
  • Le poste de bénévole correspond-t-il à mes compétences ?
  • L’impact du projet est-il mesuré ? Le projet est-il jugé performant ?
  • En quoi mon intervention en tant qu’étranger est-elle légitime ?

* Certaines organisations comme Indigo Volunteers remettent en cause les pratiques d’exploitation des agences de bénévolat à but lucratif en sélectionnant rigoureusement des organisations d’impact et en les mettant en relation avec les compétences des bénévoles de manière totalement gratuite. L’impact avant tout. 

Picture by RODNAE Productions on Unsplash