Le 18 janvier dernier, les scientifiques du Stockholm Resilience Center (SRC) ont annoncé que nous avions franchi une 5ème limite planétaire : la limite « pollution chimique » ou « introduction d’entités nouvelles”  dans la biosphère. Il s’agit de la 5ème limite planétaire sur les 9 identifiées. Ce sont les écosystèmes mondiaux qui sont en danger, rien de moins.

On doit ce concept à Johan Rockström, qui a mené en 2009 un groupe de 28 scientifiques internationaux afin d’identifier les processus qui régulent la stabilité et la résilience du système Terre. Ils proposent une mesure des frontières planétaires dans lesquelles l’humanité peut continuer à se développer et à prospérer. Ils identifient les changements environnementaux induits par l’empreinte humaine et susceptibles d’affecter les écosystèmes et le bien-être. On parle des neuf limites de la planète.

Quelles sont ces 9 limites?

Le concept des limites planétaires définit un espace de développement sûr et juste pour l’humanité, fondé actuellement sur neuf processus biophysiques qui, ensemble, régulent la stabilité de la planète. C’est l’ article intitulé « Planetary Boundaries: Exploring the Safe Operating Space for Humanity » (1) dans la revue Ecology and Society en 2009 qui plante le décor. Elle y définit 9 limites planétaires et donne pour chacune un indicateur :

Le changement climatique : la concentration de CO2 dans l’atmosphère doit être inférieure à 350 ppm.
L’acidification de l’océan : on mesure l’état de saturation de l’eau de mer de surface.
L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : on mesure la concentration en ozone.
La perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore : pour le premier, on mesure la fixation de diazote par l’industrie et l’agriculture, pour le second, on mesure le rejet de phosphore dans les océans (il ne doit pas être plus de dix fois supérieur au rejet naturel)
L’utilisation mondiale d’eau douce : elle doit être inférieure à 4000 km3 par an.
Le changement d’utilisation des sols : moins de 15% de la surface de terres disponibles doit être cultivée.
L’érosion de la biodiversité : le taux annuel d’extinctions doit être inférieur à 10 extinctions par million d’espèces.
La pollution chimique
L’augmentation des aérosols dans l’atmosphère

Les deux dernières, la pollution chimique et l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère ne sont pas quantifiées. C’est à dire que l’équipe de scientifiques n’a pas pu trouvé assez d’indicateurs mesurables ou n’a pas suffisamment d’informations sur le “seuil de basculement à ne pas dépasser”. Les 7 autres sont, cependant, quantifiables et trois d’entre elles (le changement climatique, l’érosion de la biodiversité et le cycle de l’azote) ont déjà été dépassées.

Que signifie concrètement le dépassement de la 5ème limite ?

La 5ème limite planétaire à être officiellement dépassée est celle qu’on appelle la pollution chimique, les « nouvelles entités » créées ou introduites par les Humains. Lorsque l’on évoque les produits chimiques, c’est notamment le plastique qui est visé.

Il existe aujourd’hui environ 350.000 différents types de produits chimiques manufacturés sur le marché.

La production de plastique (2) a augmenté de 79% entre 2000 et 2015. La masse totale de plastiques sur la planète représente désormais plus de deux fois la masse de tous les mammifères vivants, et environ 80 % de tous les plastiques produits restent dans l’environnement. Les plastiques contiennent plus de 10 000 autres produits chimiques, de sorte que leur dégradation environnementale crée de nouvelles combinaisons de matériaux – et des risques environnementaux sans précédent. La production de plastiques est appelée à augmenter et les prévisions indiquent que les rejets de pollution plastique dans l’environnement vont également augmenter, malgré les efforts considérables déployés dans de nombreux pays pour réduire les déchets.

L’opinion avait été très marquée par la découverte d’un 7ème continent (3) et notamment les 36 millions de km2 de déchets chimiques pris au piège dans un immense vortex dans l’Atlantique nord. Pourtant les habitudes ont la vie dure et le plastique continue d’être fabriqué et utilisé en masse.

L’économie circulaire comme l’une des solutions

Les chercheurs concluent que les tendances actuelles à la hausse de la production et du rejet de substances chimiques mettent en danger la santé du système terrestre. Les auteurs appellent à des actions visant à réduire la production et le rejet de polluants.

« Nous devons travailler à la mise en œuvre d’un plafond fixe sur la production et le rejet de produits chimiques », déclare Carney Almroth.

« Et passer à une économie circulaire est vraiment important. Cela signifie qu’il faut modifier les matériaux et les produits pour qu’ils puissent être réutilisés et non gaspillés, concevoir des produits chimiques et des produits en vue de leur recyclage, et améliorer le dépistage des produits chimiques pour en vérifier la sécurité et la durabilité tout au long de leur parcours d’impact dans le système terrestre », ajoute Sarah Cornell du Stockholm Resilience Centre.

Le recyclage seul ne sera jamais suffisant. C’est la production de plastique qu’il faut limiter. Qu’en pensent les majors du pétrole qui profitent de la hausse des prix du brut et publient des résultats records?